Mirage

Un cours est un monologue. Plus théâtral que cinématographique. Violaine de Villers va jouer avec austérité de l’échelle des plans, du montage, du champ/contre champ, bref d’un langage sur un langage pour qu’une parole devienne film. Il y a d’abord la mise en place d’un double regard. Le nôtre, regardeur de la vidéo, réceptionnaire apparent du discours, vite rappelé au rôle secondaire de doublure du vrai public, celui qui est dans la salle de conférence, auditoire attentif et présent qui interpelle et réagit, réactivé par la mise en place du contre champ. Roland Jadinon, lui, va livrer dans la proximité de son visage le plaisir de développer une pensée, de se surprendre lui-même, de partager ses découvertes, de guetter aux réactions de ses écouteurs l’intérêt qu’ils prennent à ce qu’il développe. Autour de lui se met en place un espace qui s’étend progressivement. Ouvert par un gros plan, la tête d’un homme qui avoue sa perplexité et son ignorance, il va gagner peu à peu son territoire professoral avec tous les accessoires d’une démonstration, chevalet, panneaux, cartes. Comme son cours prend de l’assurance, son lieu s’agrandit, ses gestes se déploient comme ses assertions. Les couleurs, elles se font tableaux, surface, compositions de plus en plus complexes. Il va les chercher dans une farde cartonnée pour les présenter comme des protagonistes complices, des partenaires qui renvoient bien la réplique. Certaines de ses compositions/propositions s’ouvrent sur le principe même du cinéma, la persistance rétinienne. Heureuse conjonction, où les couleurs qui se succèdent comme les images créent le leurre d’une réalité qui n’est autre que celle que notre vision a recomposée. Comme un enquêteur qui cherche des preuves – et les bleus, les rouges et les autres lui livrent des indices – ou un chercheur qui vérifie ses postulats, il devient non plus une personne mais un personnage qui a maîtrisé la mystérieuse évidence des couleurs. [Texte de Jacqueline Aubenas]