Parlons couleurs
Un cours est un discours. Une transmission de savoir. Pour être passionnant et nourrissant, il est rarement narratif. La cinéaste lui a rendu cette fonction en le faisant raconter par une étudiante. Entre la parole de l’enseignant et ce que nous voyons et entendons se met en place l’histoire des recherches et des tâtonnements de l’élève. Elle récite et hésite tournant les pages de son classeur comme les séquences d’un récit dont les personnages ne sont plus que des rectangles, des languettes de couleur. Mais les couleurs deviennent vivantes. Elle doit les convoquer, les présenter, les faire connaître. Parfois, elles lui résistent, se rebellent, ne veulent pas entrer dans la bonne marche d’un déroulement sans heurt et rebondissement. Le scénario est relancé par un questionneur qui remet la parole en route et les couleurs en action, comme Gérard Depardieu dans Le camion relançait les futurs antérieurs et les conditionnels de Duras, ramifications de tous les possibles : est-ce que les travaux de la studieuse raconteuse vont conforter les injonctions professorales ou va-t-on assister à la résistance d’un nuancier, au combat du bleu et du rouge ou à l’alliance du vert et du jaune. Les couleurs ne sont plus seulement des échantillons figés, sagement alignés dans un cahier, mais des matières animées d’une existence propre qui prennent le pouvoir. [Texte de Jacqueline Aubenas]