Ah… l’amour !

Bernard Villers né en 1939, vit et travaille à Bruxelles. Il est diplômé de l’atelier de peinture monumentale de l’école nationale supérieure des Arts visuels de La Cambre, dirigé par Paul Delvaux et Jo Delahaut. À l’aide d’une sémantique atypique et singulière, et préoccupé par l’autonomie artistique et la libre pensée, Bernard Villers s’inscrit rapidement comme acteur incontournable de la scène belge. Amoureux de la matière, Villers nous propose des œuvres questionnant l’espace, la couleur et la lumière. Dans sa pratique, nous retrouvons des références à l’art conceptuel, au minimalisme et à l’Arte Povera.

Auto-éditeur, il inaugure les éditions du Remorqueur en 1976, devenant en 2012, les éditions du Nouveau  Remorqueur remplacées en 2016 par Le Dernier Remorqueur. Villers a créé un ensemble monumental de petit papier. Un grand nombre de ses livres dits « d’artiste » ont été acquis par La Bibliothèque nationale de France et autres institutions de France, de Belgique, d’Allemagne, du Portugal…

Gauthier Pierson, commissaire d’exposition.


 Dans le cadre du cycle « Ah… l’amour ! », L’Orangerie invite l’un des plasticiens les plus importants de la scène artistique belge : Bernard Villers (Bruxelles, 1939). À cette occasion, celui-ci présente une série d’oeuvres caractéristiques de son travail et de ses réflexions à propos de la peinture et de la couleur, ses amours de longue date. 

Bernard Villers s’intéresse à la couleur en traitant notamment de phénomènes visuels presque banals mais oubliés ou insoupçonnés, comme la persistance rétinienne, la réflexion, la réversibilité, le contraste ou le rapport entre les couleurs. L’artiste les observe, les questionne et les rend visibles de manière plastique. Le geste de Bernard Villers, celui de peindre, de plier, d’imprimer, s’apparente alors à celui des artistes minimalistes ou conceptuels dans sa simplicité et sa réduction à l’essentiel, tout en conservant un rapport fondamental à la manipulation de la matière : il applique de la peinture qu’il confronte à l’immatérialité de son reflet, il utilise des matériaux pauvres tels que le papier ou le bois pour l’investir de manière précise et délicate… Le résultat prend alors des formes variées, allant de la toile à l’objet trouvé, de la surface au volume. 

Par ailleurs, les mots et les livres occupent une place essentielle dans l’oeuvre de Bernard Villers, tantôt comme sources d’inspiration, tantôt comme éléments plastiques. Dans la rotonde, plusieurs feuilles de grand format imprimées de mots faisant référence à la littérature, à la chanson ou à des « lieux communs », sont étalées sur le mur circulaire, suggérant un livre déployé dans l’espace. Cette installation témoigne de son rapport important à l’espace : les oeuvres, choisies selon ce que lui a inspiré le lieu en tenant compte de la déambulation du visiteur (qui a également l’occasion de déplacer des mobiles colorés dans la grande salle), ne prennent sens qu’une fois présentées dans l’exposition. 

Bernard Villers édite également ses propres livres dits « d’artiste ». Il présente ici Arthur Rimbaud qui a pour point de départ les poèmes de Rimbaud, notamment les couleurs présentes dans ses textes, ainsi que son célèbre portrait, qu’il traite visuellement. L’ouvrage a pour particularité d’être ce qu’on appelle un « leporello », format en accordéon qui n’est pas choisi au hasard : il fait référence à la liste en accordéon reprenant les noms des conquêtes de Don Juan détenue par son valet Leporello. Ce travail réunit donc des oeuvres et des personnages liés à l’amour. 

L’exposition montre l’amour de Bernard Villers pour la peinture et le « faire », son attention particulière tant à la simplicité qu’au détail, afin de nous faire découvrir son regard poétique sur la couleur et la peinture. 

Abigaëlle Grommerch