La conjuration des couleurs

Une galerie peut se transformer en scène où l’artiste devient acteur de lui-même. Propose un one man show. Improvise son scénario. Fait une autofiction. Se transforme en magicien : le vert peut être une forme, une couleur se déplacer sur des roulettes, un texte devenir image, un tableau en cacher un autre. Un huis clos où, entouré de ses créations/créatures, il les appelle, les explique, les aime un peu ou beaucoup, reprenant le principe du monologue du théâtre classique où le héros nous fait entrer dans son univers émotionnel. Les gestes-cinéma de Violaine de Villers sont ici plus libres. Le dispositif s’ouvre, abandonnant l’immobilité de la conteuse assise, l’espace professoral conventionnel pour offrir un intérieur/extérieur et des couleurs qui se transforment en objets, cessent d’être des aplats et des surfaces pour gagner en volume, devenir des œuvres. La parole s’appuie toujours sur une réflexion, n’élude pas la référence ou la pensée théorique, mais cette parole est postérieure au travail de l’atelier, lieu de la transformation d’une intuition en œuvre. Ici nous sommes dans l’après : la couleur est devenu travail, a été soumise à un imaginaire créateur qui s’est servi d’elle. La caméra va suivre le parcours/discours de l’artiste comme dans une scène de fiction où on filme une action. Bernard Villers circule, commente, sélectionne un travail comme un prestidigitateur fait sortir un lapin de son chapeau. Aussi est-il pris dans un cadre qui suit ses arpentages et ses actions avec un souci fictionnel de découvrir ou de cacher, d’étendre le champ, de donner sa place au lieu, d’isoler un geste, le corps ou le visage de l’artiste. [Texte de Jacqueline Aubenas]