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Bernard Villers à la galerie Van de Velde: “L’insoutenable légèreté des portraits de papier”, a été publié le jeudi 3 septembre 1992 dans Le Soir. Par Jo Dustin.

La démarche plastique de Bernard Villers s’inscrit dans la quête minimaliste. Art de la limite, qui se profile sur la corde raide du peu, pour exprimer avec intensité une palpitation éphémère. Aujourd’hui, ses «portraits de papier» modulent dans l’espace très aéré de la galerie Van de Velde des empreintes chromatiques, des marquages érodés qui témoignent de toute la légèreté de l’être.

Si Villers rejette la composition construite à la Dewasne, pleine d’énergie qui propose un remodelage du monde, une édification tonique, il façonne toutefois des constellations poétiques où les trames de papier saturées de rouge organisent une ronde, un déploiement logique qui réjouit l’oeil. Ici, l’ensemble, qui peut adopter un autre agencement dans un autre lieu, nous touche au-delà des mots. Mais chaque oeuvre se suffit également à elle-même. Il y a donc interaction subtile mais aussi addition, regroupant des chants uniques. Ce polyptyque en forme d’archipel se contemple de loin mais aussi de manière très rapprochée. Alors les estampilles rouges révèlent leurs diversités: traces ajourées, ponctuation étagée avec enclave grise, rectangle rugueux, oblitération voilée de transparence, qui fusionnent toutes avec le support précieux du papier Japon. Chaque impression encadrée devenant en quelque sorte un haïkaï muet.

Au-delà de ce carrefour central, les travaux s’organisent par suites affectionnant les symétries médianes, les affirmations opaques ou allusives. Sur la blancheur du fond se concrétisent des gémellités aux tensions inégales. Et tout se rythme en noir, en bleu, en vermillon. Signes laconiques qui s’impriment parfois au pile ou face de la surface du papier, révélant l’ardence ou l’embrun d’une couleur.
Il existe un minimalisme usiné, froid, sans faille aucune. Chez Villers, tout respire autrement. Ici, les mains du peintre nous délèguent une scansion ténue, quotidienne, entamée d’une rare et forte fragilité.

La jeune artiste Pascale de Visscher complète cette exposition par ses pigments sur papier. Chez elle, des blasonnements monochromes cristallisent une approche toute tactile de la couleur. Les pigments sont posés à la main. Les jaunes, les bruns, les bleus connaissent des frémissements, des déclinaisons actives toujours complétées par un ton divergent ou par un ajout beaucoup plus pâle. L’art construit chez cette artiste se mue en quête savoureuse où la forme et la couleur inventent un lexique épuré sans étouffer pour autant une riche sensibilité.

JO DUSTIN
Galerie Denise Van de Velde, Tragel, 7A, Alost, jusqu’au 19 septembre.