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Article de Claude Lorent parus dans La Libre Belgique

Invité par le CO21, Bernard Villers choisit le rose du Tendre et invite à son tour une cinquantaine de plasticiens à exercer leur imaginaire.

La référence c’est une toile de De Kooning ! Pas n’importe quoi donc, du très sérieux, du solide. Il est vrai que le rose n’est pas vraiment à l’honneur en art, ni du côté ancien ni du côté contemporain. On peut sortir quelques exceptions comme Philippe Mayaux, par exemple, et la proposition actuelle de Bernard Villers qui joue sur les mots autant que sur la couleur.

Autre référence, Marcel Duchamp ! Pas mince non plus, en cet alter ego féminin, photographié par Man Ray : Rrose Sélavy. Titre repris par Bernard Villers, mais adapté, Rose, c’est la vie tout en sachant que cela peut aussi donner Eros, c’est la vie. Tout un programme mis en branle par l’artiste qui décide d’inviter sous cet éclairage de légèreté une cinquantaine d’artistes plasticiens dont la plupart des participations sont savoureuses. Lui-même répondant à l’invitation de Michel Moffarts pour la cinquième exposition sous le signe d’une couleur au CO21, le centre de couleur contemporaine.

Ce rose, Bernard Villers, qui depuis toujours travaille la forme et la couleur, l’a expérimenté pour une exposition qui s’est tenue à Rennes. Pour cela, il s’est basé, autre référence, sur un écrit de Francis Ponge(*) qui à la recherche de définition d’une couleur la nomme Rose sacripant ! Et notre artiste de se mettre à la recherche d’un rose, celui-là peut-être pour établir La carte du Tendre, un imprimé monochrome, côté verso, plié selon les règles en vigueur pour les cartes routières. Comme toute carte du tendre, elle fut mise à l’épreuve du temps ! Et elle a résisté, partiellement, aux intempéries et autres ardeurs de la nature, car elle fut placée à l’air libre, dans un gazon. Et donc, elle subit lentement une certaine dégradation.

Cette démarche, visible en l’expo, quelque peu ludique, fut précédée d’une recherche de ce rose, en une suite d’essais perceptibles seulement à travers quelques hublots percés dans le papier. Une pratique que l’artiste a par ailleurs répétée, laissant au sol les confettis de ce nuancier plus vide que plein. D’autres œuvres livrent quelques facettes du travail habituel de l’artiste avec, en clin d’œil, ce panneau rose suspendu et tournant dans l’espace avec inscription, à lire, recto/verso.

Quant aux invités, ils se sont visiblement décarcassés afin de répondre en petits formats et en ambiance bien décontractée à la proposition chromatique qui peut virer sans se dénier, au noir et blanc sans carré blanc. Tout le plaisir réside dans la découverte de ces saveurs bien choisies !

(*) Francis Ponge, “La pratique de la littérature”, in Méthodes, Paris, Gallimard, col. Idées, 1961

Bernard Villers. Rose, c’est la vie. CO21, 21, rue de Tamines, 1060 Bruxelles. Week-ends de 14 à 18h30 et srv. www.co21.net

Une autre exposition de Bernard Villers, Leporello, se tient jusqu’au 23 mai au 12, rue Crickx à 1060 Bruxelles